jeudi 29 septembre 2016

Les colons (la prophétie, la rédemption)


Les colons (1/2)
De Shimon Dotan (Canada, 2014)
La prophétie

Une exploration en profondeur de l'histoire des communautés de colons, qui exercent une influence déterminante et controversée sur le futur d'Israël. Premier volet : la prophétie. En 1967, la victoire d'Israël lors de la guerre des Six Jours et sa mainmise sur Jérusalem-Est et la Cisjordanie offrent de nouvelles perspectives à ceux qui rêvent de retrouver la "Judée-Samarie" biblique.

1. La prophétie

Plus de quatre mille en 1977 en Cisjordanie, près de quatre cent mille aujourd'hui : les colons sont devenus incontournables, autant par leur implantation territoriale croissante que par leur impact idéologique et politique sur la société israélienne. En 1967, la victoire d'Israël lors de la guerre des Six Jours et sa mainmise sur Jérusalem-Est et la Cisjordanie offrent de nouvelles perspectives à ceux qui rêvent de retrouver la "Judée-Samarie" biblique. Certains, comme Hanan Porat (inspirateur des colonies), rétablissent le kibboutzim de leurs parents, évacués lors de la guerre d'indépendance de 1948; d'autres, comme les disciples du grand rabbin Kook, voient dans le succès militaire un signe de Dieu appelant à une mission divine. Malgré les réticences du pouvoir en place, Naplouse, Hébron et Jéricho deviennent des villes à investir pour ceux qui se définissent comme des néopionniers. Sous l'impulsion du mouvement populiste Gush Emunim, le gouvernement comprendra vite son intérêt à inplanter des colonies militarisées au sein même des territoires palestiniens...

Motivations radicales

En 2016, la colonisation a pris des proportions si vertigineuses qu'elle conditionne littéralement la politique et l'identité d'Israël. Mais les films consacrés par le passé à ces implantations condamnées par les conventions de Genève se sont souvent focalisés sur leurs répercussions, plus rarement sur les forces idéologiques et historiques qui les ont impulsées. Après avoir interrogé les prisonniers palestiniens en 2006 (dans le très remarqué Le temps des prisonniers, déjà diffusé par ARTE), le réalisateur israélien Shimon Dotan analyse à nouveau l'impact d'une "communauté" sur la société qui l'a produite. Bénéficiant d'un accès sans précédent auprès des hommes politiques, des militants de la gauche et de l'extrême droite israéliennes, des premiers colons de l'après-1967 et des nouvelles générations, son documentaire explore en profondeur les motivations de chacun : radicaux, idéalistes, fanatiques messianiques, vrais croyants et opportunistes, tous vivant sur les lignes de faille d'un conflit ancestral. Un tour d'horizon imparable pour mieux comprendre les rouages d'un processus inquiétant.
Source : Arte




Les colons (2/2)
De Shimon Dotan (Canada, 2014)
La rédemption

Une exploration en profondeur de l'histoire des communautés de colons, qui exercent une influence déterminante et controversée sur le futur d'Israël. Second volet : la rédemption. Les années 1990 voient les colons, un temps freinés dans leur essor, accroître leur présence et renforcer leur rôle auprès de la classe politique.

2. La rédemption

Les années 1990 voient les colons, un temps freinés dans leur essor, accroître leur présence et renforcer leur rôle auprès de la classe politique. Entre les deux Intifada (1987-1993 et 2000-2006), durant lesquelles le monde mesure la colère des Palestiniens contre l'occupation, le Premier ministre Yitzhak Rabin gèle les constructions puis signe les accords d'Oslo, déchaînant la violence de ceux qui veulent "sauver la terre". Son assassinat en 1995 par un sioniste religieux met un terme au processus de paix et laisse le champ libre aux extrémistes. Rassurés par les murs de séparation, les routes réservées et les aides gouvernementales, des colons d'un type nouveau apparaissent, aux visées moins idéologiques, mais attirés par les opportunités sociaux-économiques des colonies...

Motivations radicales

En 2016, la colonisation a pris des proportions si vertigineuses qu'elle conditionne littéralement la politique et l'identité d'Israël. Mais les films consacrés par le passé à ces implantations condamnées par les conventions de Genève se sont souvent focalisés sur leurs répercussions, plus rarement sur les forces idéologiques et historiques qui les ont impulsées. Après avoir interrogé les prisonniers palestiniens en 2006 (dans le très remarqué Le temps des prisonniers, déjà diffusé par ARTE), le réalisateur israélien Shimon Dotan analyse à nouveau l'impact d'une "communauté" sur la société qui l'a produite. Bénéficiant d'un accès sans précédent auprès des hommes politiques, des militants de la gauche et de l'extrême droite israéliennes, des premiers colons de l'après-1967 et des nouvelles générations, son documentaire explore en profondeur les motivations de chacun : radicaux, idéalistes, fanatiques messianiques, vrais croyants et opportunistes, tous vivant sur les lignes de faille d'un conflit ancestral. Un tour d'horizon imparable pour mieux comprendre les rouages d'un processus inquiétant.
Source : Arte

* * *


L’autre visage de Shimon Peres 
Par Sylvia Cattori, le 29 septembre 2016 - Arrêt sur info

Que d’éloges n’avons nous pas entendu ce 28 septembre pour celui qui a participé à la création et la militarisation d’un Etat sur une terre volée aux natifs palestiniens. Ces derniers – à qui Shimon Peres, comme tous les autres dirigeants israéliens, a fait miroiter une fausse paix – n’ont jamais obtenu, et n’obtiendrons peut-être jamais, aucune justice.


Plus de 800 000 natifs palestiniens ont du fuir, sans retour, la terreur organisée par les milices juives de la Haganah en 1948 


Shimon Peres : le criminel de guerre israélien dont l’Occident a toujours ignoré les victimes
Par Ben White, le 28 septembre 2016 - Pour la Palestine

Mieux connu en Occident pour son rôle dans les accords d’Oslo.
Sa famille s’était installée en Palestine dans les années 1930.
A combattu avec la Haganah durant la Nakba.
Présenté comme l’architecte du programme nucléaire clandestin d’Israël.
Percevait les citoyens palestiniens comme une « menace démographique ».
A joué un rôle majeur dans les premiers jours des implantations en Cisjordanie.
Responsable du massacre de Qana au Liban, en 1996.
A soutenu le blocus de Gaza et les récentes offensives israéliennes.

Shimon Peres, décédé ce mercredi à l’âge de 93 ans, après avoir subi une crise cardiaque le 13 septembre dernier, incarnait la disparité entre l’image d’Israël en Occident et la réalité de la politique coloniale sanglante d’Israël en Palestine et dans l’ensemble de la région.

Peres était né en 1923 dans ce qui, plus tard, allait devenir la Biélorussie, et sa famille s’était installée en Palestine dans les années 1930. Jeune homme, Peres s’était enrôlé dans la Haganah, la milice responsable en tout premier lieu de l’épuration ethnique des villages palestiniens en 1947-1949, durant la Nakba.

Bien que le déplacement par la violence des Palestiniens fasse l’objet de rapports historiques, Peres a toujours insisté sur le fait que les forces sionistes « avaient gardé la pureté des armes », au cours de l’installation de l’État d’Israël. En effet, prétendait-il même avant l’existence d’Israël, « il n’y avait rien, ici ».

Durant sept décennies, Peres a servi en tant que Premier ministre (à deux reprises) et président, bien qu’il n’ait jamais remporté directement la moindre élection nationale. Il a été membre de 12 cabinets et a assumé les tâches de ministre de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances.

Il est peut-être mieux connu en Occident pour son rôle dans les négociations qui ont abouti aux accords d’Oslo, en 1993, et qui lui ont valu le prix Nobel de la paix en compagnie de Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat.

Pourtant, pour les Palestiniens et leurs voisins du Moyen-Orient, le palmarès de Peres est très différent de sa réputation en Occident d’infatigable « colombe » de la paix. Ce qui suit n’est en aucun cas un résumé complet du palmarès de Peres au service du colonialisme et de l’apartheid.

Les armes nucléaires

Entre 1953 et 1965, Peres a d’abord servi comme directeur général du ministère israélien de la Défense et, ensuite, comme vice-ministre de la Défense. En raison de ses responsabilités de l’époque, Peres a été décrit comme « l’un des architectes du programme d’armement nucléaire d’Israël » qui, à ce jour, « a toujours échappé à la surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ».

En 1975, comme l’ont révélé depuis des documents secrets, Peres rencontrait le ministre sud-africain de la Défense Pieter Willem Botha et « proposait de vendre des ogives nucléaires au régime de l’apartheid ». En 1986, Peres autorisait l’opération du Mossad au cours de laquelle le lanceur d’alerte nucléaire Mordechai Vanunu allait être kidnappé à Rome.

Le ciblage des citoyens palestiniens

Peres a joué un rôle clé dans le régime militaire imposé aux citoyens palestiniens jusqu’en 1966, régime sous lequel les autorités ont massivement volé des terres et déplacé des populations.

L’un des outils de ce régime n’était autre que l’article 125, qui permettait de déclarer des terres palestiniennes zones militaires fermées. Une fois que leurs occupants s’en voyaient interdire l’accès, les terres étaient alors confisquées nomme « non cultivées ». Peres encensait cet article 125 comme un moyen de « poursuivre directement la lutte pour l’implantation et l’immigration des Juifs ».

Une autre des responsabilités de Peres dans ses attributions de directeur général du ministère de la Défense consistait à « judaïser » la Galilée, c’est-à-dire à poursuivre une politique censée réduire dans la région la proportion entre les citoyens palestiniens et les citoyens juifs.

En 2005, en tant que vice-Premier ministre du cabinet d’Ariel Sharon, Peres réitéra ses attaques contre les citoyens palestiniens via des plans visant à encourager les Israéliens juifs à s’installer en Galilée. Son plan de « développement » couvrait 104 communautés – dont 100 juives.

Lors d’entretiens secrets avec des hauts fonctionnaires américains cette même année, Peres prétendit qu’Israël avait « perdu un million de dounams [100 000 hectares, soit 1 000 kilomètres carrés] de terres du Néguev au profit des Bédouins », ajoutant que le « développement » du Néguev et de la Galilée pouvait « atténuer ce qu’il appelait une menace démographique ».

Soutien aux colonies illégales en Cisjordanie

Alors que le projet israélien d’implantation en Cisjordanie a été associé en premier lieu au Likoud et à d’autres partis nationalistes de droite, c’est en fait le Parti travailliste qui donna les premiers coups de fouet à la colonisation du territoire palestinien nouvellement conquis – et Peres y participa avec enthousiasme.

Durant le mandat de Peres en tant que ministre de la Défense, de 1974 à 1977, le gouvernement Rabin installa un certain nombre de colonies clés en Cisjordanie, parmi lesquelles Ofra, dont d’importantes sections furent construites sur des terres confisquées à leurs propriétaires palestiniens.

Plus récemment, après avoir joué un rôle clé dans les premiers jours de l’entreprise d’implantation, Peres intervint également pour annuler toute espèce de mesure, aussi modeste ait-elle été, visant à sanctionner les colonies illégales et ce, chaque fois, naturellement, sous le prétexte de protéger les « négociations de paix ».

Le massacre de Cana

En 1996, en tant que Premier ministre, Peres ordonna et supervisa l’opération « Raisins de la colère », lorsque les forces armées israéliennes tuèrent quelque 154 civils au Liban et en blessèrent 351 autres. L’opération, dont on croit généralement qu’elle fut une démonstration de force pré-électorale, ciblait intentionnellement des civils libanais.

Selon le site Internet officiel des Forces aériennes israéliennes (en hébreu, pas en anglais), l’opération impliquait « le bombardement massif des villages chiites du Sud-Liban afin de provoquer un exode de civils vers le Nord, en direction de Beyrouth, appliquant ainsi des pressions sur la Syrie et sur le Liban afin qu’ils freinent le Hezbollah ».

L’incident le plus notoire de la campagne fut le massacre de Cana, qui vit Israël bombarder une enceinte des Nations unies et tuer ainsi 106 civils qui s’y étaient réfugiés. Un rapport de l‘ONU expliqua à l’époque que, contrairement aux dénégations israéliennes, il était « improbable » que le bombardement «eût été le résultat d’erreurs techniques et/ou de procédure ».

Plus tard, les artilleurs israéliens dirent à la télévision israélienne qu’ils ne regrettaient aucunement le massacre, puisque les morts n’étaient « qu’un ramassis d’Arabes ». Quant à Peres, sa conscience était tout aussi propre : « Tout a été accompli selon une logique claire et de façon responsable », dit-il. « Je suis en paix. »

Gaza – La justification du blocus et de la brutalité

Peres connut sa consécration comme l’un des plus importants ambassadeurs d’Israël dans le monde de ces dix dernières années, au moment où la bande de Gaza était soumise à un blocus dévastateur et à trois offensives majeures. En dépit de la colère mondiale à l’égard de cette politique, Peres ne cessa jamais de soutenir les punitions collectives et la violence militaire.

En janvier 2009, par exemple, malgré les appels des « organisations israéliennes des droits de l’homme pour que soit mis un terme à l’opération  »Plomb durci » », Peres décrivit « la solidarité internationale derrière les opérations militaires » comme « les plus belles heures d’Israël ». Selon Peres, le but de l’offensive « était d’asséner un coup très dur aux gens de Gaza afin de leur faire passer l’envie de tirer [des missiles] sur Israël ».

Lors de l’opération « Pilier de défense », en novembre 2012, Peres  « prit sur lui la tâche de contribuer à l’effort israélien en matière de relations publiques en transmettant le discours israélien aux dirigeants mondiaux », pour reprendre les termes utilisés dans Ynetnews. À la veille de l’offensive israélienne, « Peres prévint le Hamas que s’il voulait que les gens de Gaza puissent mener une existence normale, il devait cesser de lancer des missiles contre Israël ».

En 2014, lors d’une vague de bombardements sans précédent sur Gaza, Peres se dressa une fois de plus pour blanchir ces crimes de guerre. Après que les forces israéliennes eurent tué quatre petits enfants qui jouaient sur une plage, Peres sut parfaitement sur qui jeter le blâme – sur les Palestiniens : « Nous avions mis en garde que nous allions bombarder cette zone », dit-il. « Et, malheureusement, ils n’ont pas fait partir les enfants. »

Le blocus honteux, internationalement condamné comme une forme de punition collective interdite, a également été défendu par Peres – sur les bases, précisément, qu’il s’agit d’une punition collective. Comme le disait Peres en 2014 : « Si Gaza cessait ses tirs, il n’y aurait pas besoin de blocus. »

Le soutien de Peres aux punitions collectives s’étendait également à l’Iran. En 2012, commentant des rapports disant que six millions d’Iraniens souffrant de cancer ne pouvaient recevoir de traitement en raison des sanctions, Peres déclara : « S’ils veulent retrouver une existence normale, qu’ils redeviennent donc normaux. »

Pas un mot d’excuse jusqu’à la fin

Peres a toujours été clair à propos du but de l’accord de paix avec les Palestiniens. Il déclara en 2014 : « La première priorité est de préserver Israël en tant qu’État juif. Voilà notre but prioritaire, c’est pour cela que nous nous battons. » L’an dernier, il réitéra ces sentiments dans une interview accordée à AP, en disant : « Israël devrait appliquer la solution à deux États dans son propre intérêt », de façon à ne pas « perdre notre majorité [juive] ».

Ceci, rappelons-le, est ce qui a donné forme au soutien du Parti travailliste aux accords d’Oslo. Rabin, parlant devant la Knesset peu de temps avant d’être assassiné en 1995, avait été clair en disant que ce qu’Israël cherchait dans les accords d‘Oslo était une « entité » palestinienne qui serait « moins qu’un État ». Jérusalem serait la capitale non divisée d’Israël, les colonies clés seraient annexées et Israël resterait implanté dans la vallée du Jourdain.

Il y a quelques années, Peres décrivait les Palestiniens comme des gens « se posant eux-mêmes en victimes ». Et poursuivait : « Ils se victimisent eux-mêmes. Ils sont les victimes de leurs propres erreurs, qu’ils commettent sans aucune nécessité. » Une condescendance aussi cruelle caractérisait bien un homme pour qui la « paix » fut toujours synonyme de pacification coloniale.

Publié sur le 28 septembre 2016 sur The Middle East Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal

Ben White est un journaliste dont les travaux ont été notamment publiés dans le quotidien britannique The Guardian, dans The New Statesman, ainsi que par Al Jazeera et Electronic Intifada. Il est l’auteur de Israeli Apartheid (Ed. Pluto Press – 2009) et de « Être Palestinien en Israël » (Ed. La Guillotine – 2015)
Commande sur Amazon : Etre Palestinien en Israël : Ségrégation, discrimination et démocratie




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...