lundi 15 juin 2015

Critiquer les vaccins, un tabou ?

Gardasil, Hépatite B, adjuvants... Les vaccins peuvent-ils aussi nuire à notre santé ?
Par Simon Gouin, le 10 juin 2015 - Bastamag

Certains vaccins, dont le Gardasil, sont de plus en plus critiqués. Ils provoqueraient des fatigues chroniques, des scléroses en plaques ou des encéphalomyélites disséminées. Ils manqueraient d’efficacité ou seraient administrés en trop grande quantité. De simples rumeurs ou des croyances irrationnelles amplifiées par les réseaux sociaux, comme le soutiennent les experts du Comité technique des vaccinations ? Ou des faisceaux de preuves scientifiques troublantes ? Basta ! a interrogé chercheurs et malades. Si diligenter des études pour établir ou non le lien entre vaccins et effets secondaires semble difficile, des chercheurs ont cependant mis en évidence l’impact négatif de l’aluminium, présent dans les adjuvants des vaccins, sur le corps humain. Enquête en deux volets.

C’était un rendez-vous banal chez le médecin, fin 2010. Marie-Océane Bourguignon, 16 ans, souhaite obtenir un certificat médical pour la danse. La médecin qu’elle rencontre lui conseille vivement d’être vaccinée contre le papillomavirus humain, un virus sexuellement transmissible qui peut provoquer le cancer du col de l’utérus. En France, environ 1000 femmes décèdent chaque année à cause de ce cancer. Depuis 2007, un vaccin nommé Gardasil est produit par l’américain Merck et commercialisé par le français Sanofi-Pasteur [1]. « En 2010, on voyait des publicités partout pour ce vaccin, on ne s’est pas méfiés », se rappelle Jean Jacques Bourguignon, le père de Marie-Océane. « Protéger sa fille, c’est ce qu’il y a de plus naturel pour une mère », affiche une de ces publicités.

Quelques semaines après la première injection, Marie-Océane ressent des picotements, perd l’équilibre, vomit. Suite à la deuxième injection, la jeune fille est victime d’une attaque cérébrale. Quatre autres suivront. « Elle est tombée dans le coma et a fait une paralysie faciale, raconte son père. A un moment donné, elle a perdu l’usage des jambes, la vue et une partie de l’audition. » Hospitalisée pendant un an, les médecins craignent d’abord une sclérose en plaques (SEP). C’est finalement une encéphalomyélite aiguë disséminée qui est diagnostiquée, [2]. « Il y a avait un risque de décès d’environ 10% », se souvient Jean Jacques Bourguignon.

Des centaines de victimes d’effets secondaires

Marie-Océane passe son année de troisième à l’hôpital. Son sang est filtré pour éviter que son cerveau ne s’enflamme. Elle se déplace pendant plusieurs semaines dans un fauteuil roulant. Après une étude de six mois menée par des neurologues mandatés par la Commission de conciliation et d’indemnisation de l’Oniam (l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux), le verdict tombe : un lien direct est établi entre les symptômes de Marie-Océane et sa vaccination au Gardasil. Et cela, malgré la détermination des avocats de Sanofi qui ont tenté d’influencer les experts afin qu’ils renoncent à l’emploi du terme « imputabilité ».

Le cas de Marie-Océane Bourguignon n’est pas isolé. Les témoignages affluent. Les mêmes symptômes sont retrouvés chez plusieurs jeunes filles, quelques semaines après avoir été vaccinées au Gardasil. Certaines sont décédées. C’est le cas de la française Adriana Kolbecher, en 2010, victime d’une encéphalite auto-immune, une inflammation violente du cerveau. Ses parents ont déposé plainte en 2014 pour homicide involontaire. Les parents de Marie-Océane avaient été les premiers à saisir la justice, en novembre 2013. Depuis, les recours en justice se multiplient.

Une défiance de plus en plus forte

L’efficacité même du Gardasil est remise en cause. Il ne protégerait que contre 75% des souches provoquant le cancer de l’utérus. Un frottis régulier serait bien plus efficace. Le plan cancer intègre ces campagnes de dépistages tout en promouvant une augmentation de la couverture vaccinale. Seules 30% des filles d’une génération sont actuellement vaccinées. Malgré les réserves qui entourent le Gardasil, la vaccination contre le papillomavirus humain est l’une des priorités fixées par François Hollande début 2014, qui souhaiterait la doubler. D’après le Nouvel Obs, [3] quelques semaines avant l’annonce du Président de la République, le Pdg de Sanofi serait aller plaider la cause dans le bureau d’Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Élysée.

L’affaire du Gardasil est emblématique de la défiance qui s’est progressivement installée envers certains vaccins – et parfois, la vaccination elle-même. Car les vaccins n’ont jamais été aussi nombreux. « Un enfant de 10 ans a reçu beaucoup plus de vaccins qu’une personne de plus de 50 ans », explique Jérôme Authier, chercheur à l’hôpital Mondor, à Créteil. Désormais, un seul vaccin contient six souches combinées. Une injection permet d’être protégé contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, l’hépatite B et les infections à Haemophilus influenzae de type b (responsables de certaines méningites et pneumonies). Pourtant, seul le DTPolio est obligatoire. Mais son vaccin est de moins en moins disponible [4]. Pour les parents, il est de plus en plus difficile de choisir ce qu’ils souhaitent voir administrer à leurs enfants. Le choix est vite fait : c’est tout, ou rien. Or, parmi les vaccins qui déclenchent parfois l’inquiétude des parents, celui contre l’hépatite B est en première place.

Un tsunami vaccinal

En 1994, incitée par l’OMS, la France décide de vacciner massivement les collégiens des classes de 6ème contre l’hépatite B. En quatre ans, entre 20 et 25 millions de personnes, enfants et adultes, sont vaccinés. Un tiers de la population française. Du jamais vu. « Un tsunami vaccinal », estime Dominique le Houézec, pédiatre à Caen et conseiller médical du Réseau vaccin Hépatite B (REVAHB). « Tout le monde voulait être vacciné face à ce danger présenté comme immédiat. Il y avait des listes d’attente dans les pharmacies, se rappelle-t-il. On nous disait que l’hépatite B pouvait être facilement attrapée par la salive, dans le verre d’un autre. Ce qui est faux. » A l’époque, le médecin ne comprend pas cet engouement et commence à se méfier : « La France n’était pas un pays en voie de développement, régions où l’hépatite B est présente massivement. »

Des cas de scléroses en plaques (SEP) sont rapidement signalés dans les années qui suivent. Des enquêtes sont lancées ; les médias s’emparent du sujet. En 1998, face à la polémique, le ministre de la Santé, Bernard Kouchner, renonce à la vaccination systématique des pré-adolescents en milieu scolaire. Le vaccin contre l’hépatite B provoque-t-il un risque accru de développer une sclérose en plaques ? Dominique Le Houézec a comparé les chiffres des doses vaccinales vendues chaque année avec la survenue de nouvelles scléroses en plaques suite à une vaccination anti-hépatite B, grâce aux données de la pharmacovigilance nationale (ANSM). Les résultats sont troublants [5].




Absence d’études sur les effets du vaccin contre l’hépatite B

Les courbes montrent qu’après la vague de vaccination massive contre l’hépatite B, le nombre de personnes touchées par une sclérose en plaques augmente significativement (plus 65%). « Ceci ne suffit pas pour affirmer une causalité absolue, écrit l’auteur. Mais c’est un signal fort qui nécessite d’autres études épidémiologiques. » Une simple corrélation statistique ? Ou un lien entre le vaccin et l’apparition des symptômes ? Les chercheurs ne sont pas tous d’accords [6]. Mais certains mettent en évidence une multiplication par trois du risques de développer une SEP chez les personnes vaccinées.

Si ce lien existe entre vaccination et SEP, comment l’expliquer ? « Une étude [7] estime qu’il pourrait y avoir des impuretés introduites lors de la fabrication du vaccin contre l’hépatite B, explique Dominique le Houézec. Face à ces particules étrangères, l’organisme se défendrait en attaquant les gaines de myéline, qui entourent les nerfs, par un mécanisme de mimétisme moléculaire. Ce qui provoquerait ainsi des SEP. » Mais tout le monde ne réagirait pas de la même façon : des personnes ayant déjà vécu une stimulation immunitaire très forte, par exemple à cause d’une mononucléose, pourraient être plus touchées. « Pour l’instant, il n’y a plus de recherches sur le sujet, regrette le pédiatre. Cela n’intéresse personne, puisqu’une large majorité du monde scientifique tient pour acquis qu’il n’y a pas de lien potentiel... »

Les effets secondaires, « du pur hasard » ?

Parmi les spécialistes qui récusent ces dramatiques effets secondaires, on trouve Daniel Floret, le président du Comité technique des vaccinations. Cette instance est chargée de donner un avis « sur l’intérêt en santé publique à l’introduire dans le calendrier vaccinal » avant toute mise sur le marché d’un nouveau vaccin. En résumé, il s’agit se s’interroger sur les bénéfices que le vaccin peut apporter par rapport aux risques qu’il comporte. Mais un autre critère est aussi pris en compte :« On regarde de plus en plus l’aspect médico-économique : quelles sont les dépenses engendrées par le vaccin ? Et quelles sont les économies de santé ? »

« Sur le Gardasil, toutes les études qui ont été faites pour regarder les liens entre ces vaccinations et les maladies auto-immunes (très nombreuses études de cohortes en Suède et en Finlande) concluent à l’absence de liens », décrit Daniel Floret. Les symptômes de ces jeunes femmes sont donc inventés ? « Bien entendu ces effets existent, mais c’est parce qu’on vaccine à l’âge où apparaissent les maladies auto-immunes », estime Daniel Floret, avant de poursuivre : « Les effets secondaires, c’est du pur hasard... Enfin, ce n’est pas totalement du pur hasard. Quand on déclare une sclérose en plaques, on a un processus de démyélinisation et d’auto-immunité qui s’est installé des années avant. Cette maladie avait donc commencé avant l’apparition des symptômes. » La vaccination provoquerait simplement les symptômes de la maladie, déjà présente.

Des réseaux sociaux qui amplifient les rumeurs

Si les scléroses en plaques augmentent avec les vaccinations, ce serait donc « normal ». Si l’on suit la logique de Daniel Floret, ces SEP se seraient de toutes façons déclenchées à un moment ou un autre. « Si on vaccine des millions de français de cette tranche d’âge, ce n’est pas étonnant qu’il y ait des révélations de sclérose en plaques », estime le professeur. De façon plus générale, pour l’hépatite B ou le Gardasil, il fustige ces polémiques en rappelant « qu’il y a toujours eu un pourcentage de gens hostiles à la vaccination, pour des raisons diverses, parfois religieuses ». « Le problème actuel, ajoute-t-il, est que l’Internet, les réseaux sociaux, amplifient considérablement la parole de ces opposants, la diffusion de ces rumeurs. » La religion et les réseaux sociaux, deux coupables idéaux...

Au cœur de ces « rumeurs » qui entourent les vaccins, il y a l’aluminium. Ce dernier est utilisé comme un adjuvant dans la plupart des injections. Son rôle : accroître l’efficacité du vaccin en entraînant une meilleure réponse de l’organisme. Mais l’aluminium est de plus en plus décrié : plusieurs chercheurs mettent aujourd’hui en évidence sa toxicité sur le long terme [8]. « Lors d’un vaccin, l’aluminium ne reste pas confinée au site d’injection contrairement à ce que beaucoup de médecins croient encore, explique le chercheur Jérôme Authier. Beaucoup de données le montrent : il y a une dissémination systémique de l’aluminium. Nous avons par exemple démontré que des nano-particules peuvent entrer dans le système nerveux central, chez l’animal. Elles pourraient très bien être des nano-particules d’aluminium. »

Une étrange maladie : la myofasciite à macrophages

L’aluminium pourrait ainsi se disséminer dans notre cerveau. C’est la principale hypothèse qui permettrait d’expliquer les maux dont souffrent plus d’un millier de personnes, en France, atteintes de ce qu’on appelle la « myofasciite à macrophages ». Didier Lambert en fait partie. Cet ancien directeur d’un service médico-social s’est fait vacciner contre l’hépatite B, fin 1993. Quelques mois plus tard, il ressent une très forte fatigue, des douleurs articulaires, des troubles cognitifs. Au fil des ans, ses symptômes s’accroissent. « Je n’arrivais plus à gérer le quotidien, le stress, raconte-t-il. J’oubliais mes dossiers, mes courriers. » En 2004, épuisé, Didier Lambert est obligé d’arrêter de travailler. Le diagnostic d’une SEP est vite écarté. Didier Lambert découvre qu’ils sont plusieurs centaines à développer ces symptômes que les médecins ne parviennent pas à caractériser.

Chez ces patients, un point commun : ils présentent tous une lésion musculaire dans le bras, où un vaccin a été appliqué. En terme scientifique, c’est une myofasciite à macrophages (MFM). Une lésion banale chez une personne qui vient d’être vacciné. « Normalement, cette lésion disparaît dans le temps, après l’injection, explique Jérôme Authier. Mais chez ces patients, cette lésion est présente plusieurs années, voire jusqu’à 10 ans après l’injection. » Voilà pour le point commun. La genèse des symptômes, quant à elle, n’est pas encore bien comprise. « On n’a jamais démontré que ce type de lésion était en relation avec une maladie quelle qu’elle soit. La myofascite à macrophages n’existe qu’en France », balaie d’un revers de la main, Daniel Floret, alors même que plusieurs études sont menées à l’étranger, par exemple au Portugal [9]. Plus généralement, le président du Comité technique des vaccinations estime que « la controverse sur l’aluminium est une controverse franco-française » ; avant de dénoncer « une équipe de chercheurs qui milite pour tenter de démontrer que l’aluminium est nocif ». Alors pourquoi donc développer la recherche sur le sujet ?

Critiquer les vaccins, un tabou ?

En attendant, la douleur des personnes atteintes de « myofasciite à macrophages » – 400 reconnues officiellement – est bien réelle. 78% d’entre elles ne peuvent plus travailler. Elles sont organisées dans l’association Entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M), dont Didier Lambert est le président. « Si on pense qu’il y a des problèmes provoqués par l’aluminium dans les vaccins, on devrait financer la recherche dans ce domaine, estime Didier Lambert. Ce n’est pas fait. Nous nous basons sur la science et la raison : en l’absence de certitude absolue [10] [sur la non dangerosité de l’aluminium vaccinal], on doit rester prudents et lever le pied sur [la vaccination massive]. » Un principe de précaution qui n’est pas appliqué. Quant aux équipes du professeur Jérôme Authier, à l’hôpital Mondor de Créteil, elles peinent bizarrement à trouver des financements pour leurs études.

Sur la question des vaccins, les lanceurs d’alerte sont peu écoutés. Ils sont même qualifiés « d’extrêmement dangereux » par le président du Haut conseil de la santé publique, Roger Salamon [11]. Ce dernier estime que ces associations provoquent la « méfiance » grandissante du public. Critiquer les vaccins est un tabou, expliquent ses détracteurs qui sont souvent qualifiés d’anti-vaccinalistes. « Si on veut maintenir la confiance dans les vaccins, il faut que nous ayons des aides à la recherche, afin de tenter de comprendre ce qui se passe », explique Jérôme Authier, qui se qualifie « d’ardent défenseur de la vaccination ». « La France, c’est le pays de Pasteur, de la vaccination, il ne faut surtout pas dire du mal des vaccins, lance Dominique Le Houézec. Mais je ne suis pas anti-vaccinaliste. »

Pourquoi les études sur le sujet sont-elles si peu nombreuses ? Pourquoi l’aluminium est-il toujours présent dans les vaccins, malgré la multiplication des alertes ? Et alors que les effets secondaires sont de plus en plus connus, comment expliquer que le principe de précaution ne soit pas appliqué ? Pour tenter le comprendre, il faut plonger dans le monde de l’industrie pharmaceutique, des autorités de santé et des médecins. Avec leurs logiques, les liens qui les unissent. Et leurs profits.

Simon Gouin

Photos (dans l’ordre de parution) :
Une : campagne de vaccination au Paraguay
CC Ernie.ca
CC Daniel Paquet

Notes
[1] Il existe aussi le Cervarix, qui protège contre deux souches de papillomavirus humain.
[2] L’encéphalomyélite aiguë disséminée est provoquée par l’attaque de la myéline – la gaine qui entoure les nerfs – par les globules blancs de la personne.
[3] Source : Cancer du col de l’utérus : pourquoi le vaccin Gardasil fait peur
[4] Pour en savoir plus sur la pénurie de DTPolio, lire l’article du Monde.fr.
[5] Son étude en intégralité.
[6] Certaines études ne montrent pas de liens. D’autres affirment que si les chiffres de SEP augmentent, c’est à cause de la détection de la maladie grâce à l’IRM (imagerie par résonance magnétique) qui en a facilité et accéléré le diagnostic, à cette même époque. Ou bien qu’un nouveau traitement très couteux (Interféron) a été mis en place, suscitant la déclaration de SEP, jusqu’à alors « cachées » à l’Assurance maladie, afin de pouvoir bénéficier d’un remboursement à 100%. « Cela en explique peut-être une partie, mais pas tout », avance Dominique le Houézec.
[7] Faure E. Multiple sclerosis and hepatitis B vaccination : could minute contamination of the vaccine by partial Hepatitis B virus polymerase play a role through molecular mimicry ? Medical Hypotheses, 2005, 65 (3) :509-520.
[8] Voir les travaux scientifiques de Lucija Tombjenovic, Christopher Shaw, Stéphanie Seneff ou Yehuda Shoenfeld,.
[9] Voir l’étude menée sur 17 personnes atteintes de MFM :« Macrophagic myofasciitis and vaccination : Consequence or coincidence ? ».
[10] Le Haut conseil de la santé publique estime que « les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium, au regard de leur balance bénéfices/risques ».
[11] Voir l’article de 20 Minutes Pourquoi les Français sont de plus en plus méfiants envers les vaccins
Source : Bastamag

* * *

Comment les conflits d’intérêt et l’intransigeance des labos minent la réputation des vaccins
Par Simon Gouin, le 11 juin 2015 - Bastamag

Au prétexte de ne pas accroître les peurs et de ne pas prêter le flanc aux attaques des mouvements anti-vaccins, les autorités de santé et les labos pharmaceutiques discréditent toute critique et interrogation sur certains produits. Voire s’enferment dans le déni. « Cela fait gagner du temps de dire qu’il n’y a pas de problèmes », estime un pédiatre. Pour ne rien arranger, à cette indifférence s’ajoutent plusieurs cas de conflits d’intérêts entre experts chargés d’évaluer l’efficacité d’un vaccin et l’industrie pharmaceutique. A quand une véritable transparence et des études indépendantes ? Suite de notre enquête.

Marie-Océane Bourguignon a vécu un calvaire. Attaques cérébrales, perte d’équilibre, paralysie, pertes de vue et d’audition, la jeune femme n’imaginait pas que sa vie serait bouleversée à cause d’un vaccin, le Gardasil (lire la première partie de notre enquête). Face aux épreuves, ses parents se sont d’abord sentis très seuls. Avant de découvrir que plusieurs jeunes femmes souffraient des mêmes maux, grâce à une page Facebook créée par Jean-Jacques Bourguignon, le père de Marie-Océane. « Je suis régulièrement contacté par des gens perdus, dans la galère médicale », souligne-t-il.

C’est souvent un véritable parcours du combattant qui se dresse devant les victimes. Elles sont ainsi plusieurs dizaines à tenter d’obtenir la reconnaissance de leurs effets secondaires et une indemnisation pour les préjudices subis [1], parfois grâce à une procédure judiciaire. Une voie juridique incontournable alors que les autorités et le monde médical semblent hermétiques à leurs revendications. Leurs symptômes seraient de toute façon apparus puisqu’elles portaient en elles la maladie, leur répondent les experts. L’aluminium n’est en aucun cas un problème. Alors pourquoi chercher plus loin ?

Jouer sur la communication plutôt que financer les recherches

Avant le tribunal, la bataille se mène sur le terrain de la communication. Loin d’être neutres, les autorités sanitaires y participent allègrement en faveur d’un certain point de vue. Leur but : dissiper les critiques qui entourent certains vaccins, plutôt que faire avancer les connaissances sur ces sujets ! En 2013, l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) a par exemple accordé 282 065 euros à une « action de recherche » sur les perceptions de la sécurité et de l’efficacité des vaccins en France. L’objectif ? « Développer des stratégies de communication sur les vaccins prenant en compte les opinions développées sur ces sites (anti-vaccination), pour améliorer le contenu des sites pro-vaccination (…) » [2].

Une stratégie que Daniel Floret, le président du Comité technique des vaccinations, organe chargé de conseiller le ministère pour la mise sur le marché des vaccins, défend face aux « campagnes de désinformation » : « Il serait bon que les structures officielles soient présentes sur les réseaux sociaux, pour faire des réponses actuelles à ce qui circule, déclare-t-il à Basta !. Dans ces communications, il faut parler de ces maladies qui ont quasiment disparu et qui maintenant réapparaissent. »

C’est là le plus grand défi des agences de santé : si elles reconnaissaient qu’il y a parfois des effets secondaires, le doute et les critiques risqueraient de s’accroître. Au final, la couverture vaccinale pourrait diminuer, et certaines maladies seraient susceptibles de réapparaître. « Si on commence à dire qu’il y a de petits inconvénients, les gens vont commencer à se documenter, à aller voir le « docteur Google », explique le pédiatre Dominique le Houézec. C’est pourquoi le message du Ministère de la Santé doit être clair, ferme et sans nuance aucune, car il est envoyé à 60 millions de personnes. »

Des experts financés par les labos ?

Mais cette exigence de santé publique n’explique pas tout. Pour comprendre ce déni ou cette indifférence, il faut regarder du côté des experts chargés d’évaluer les vaccins. Plusieurs scientifiques du Comité technique des vaccinations (CTV) ont été soutenus, dans leurs travaux de recherche, par de grandes firmes pharmaceutiques. L’une d’entre eux, Brigitte Autran, a par exemple participé à un essai clinique du vaccin contre le H1N1 et à des essais pour des vaccins contre la variole, pour Sanofi-Pasteur. Une autre experte, Anne-Claire Siegrist, non membre du CTV, voit la chaire de vaccinologie qu’elle dirige à Genève recevoir en 2012 un soutien de la fondation Mérieux, dont Sanofi Pasteur est l’un des financeurs [3]. Elle anime le site d’information Infovac, qui se présente comme étant indépendant des firmes pharmaceutiques [4], et qui défend largement le système actuel de vaccination.

Daniel Floret, le président du Comité technique des vaccinations, est lui aussi pointé du doigt pour ses liens avec l’industrie pharmaceutique, notamment avec le laboratoire BioMérieux et la fondation Mérieux. « Bio Mérieux n’a jamais fait de vaccins, se défend-il. Je ne vois pas en quoi mon étude sur l’épidémiologie des infections virales en réanimation pédiatrique pourrait modifier ma perception sur le Gardasil et le papillomavirus humain. » Ces structures ne conçoivent pas de vaccins, mais la fondation Mérieux a comme partenaire industriel... Sanofi Pasteur. En 2013, l’entreprise productrice de vaccins abonde à hauteur de 17% du budget de la fondation.

Ces liens avec l’industrie pharmaceutique sont-ils susceptibles d’altérer le jugement des experts sur la question ? « Si les travaux que la personne a menés concerne un vaccin qui est étudié, elle est en conflit d’intérêts, elle ne participe pas aux débats, au sein du Comité technique des vaccinations chargé d’évaluer la balance entre les risques et les bénéfices d’un vaccin, précise Daniel Floret qui rappelle que chaque expert du CTV est obligé de déclarer publiquement d’éventuels liens d’intérêts avec les laboratoires. Ce n’est pas parce qu’il y a un conflit d’intérêts sur un dossier qu’il y en aura sur tout. »

Cela explique par exemple que Brigitte Autran puisse participer à la rédaction d’un rapport publié en février 2015 sur le vaccin Hexavyon, produit par Sanofi-Pasteur... alors que ses recherches ont déjà été subventionnées par ce laboratoire. « Même si l’experte n’a pas travaillé directement sur ce vaccin, il y a une proximité entre elle et l’industrie pharmaceutique », estime Didier Lambert, président de l’association d’entraide aux malades de myofasciites à macrophages (E3M), une maladie dont, pour ceux qui en sont victimes, la cause présumée serait l’aluminium présent dans les vaccins (voir le premier volet de l’enquête).

« Les industriels arrosent de fric les leaders d’opinion »

D’autres exemples sont encore plus éloquents. En novembre 2006, le Gardasil est examiné par l’Affsaps, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé [5], pour décider de sa mise sur le marché. Sur les 25 experts réunis autour de la table, six travailleraient ou seraient rémunérés par le groupe Sanofi, révèle en mai 2014 le magazine Lyon capitale [6]. Bizarrement, aucun débat n’a eu lieu, note le journal qui s’est procuré le rapport de la commission. Et cela, alors même que les études sur l’efficacité du vaccin ne sont à cette date pas achevées.

D’après Lyon capitale, au moins 13 experts ayant participé à cette commission auraient été, les années suivantes, rémunérés pour leurs travaux par Sanofi. « Les industriels arrosent de fric les leaders d’opinion qui ferment les yeux sur tout, qui ne voient rien, qui n’ont plus aucun avis critique, simplement parce qu’ils ont touché, cumulé sur cinq ans, 200 000 ou 300 000 € », accuse Bernard Dalbergue, un ancien employé d’un laboratoire pharmaceutique chargé de séduire les docteurs des CHU [7].

Le Gardasil, bientôt administré aussi aux garçons ?

Pourtant, les critiques sur le Gardasil ne manquent pas, notamment en haut de la hiérarchie. La gynécologue Diane Harper, qui a participé aux essais de ce vaccin aux États-Unis a dénoncé son inefficacité : « Comparé au nombre de décès liés au cancer du col qu’il permet d’éviter, ce vaccin a été associé à beaucoup trop d’effets secondaires graves » [8]. Aux États-Unis, en 2013, le système de pharmacovigilance relevait plus de 32 000 effets secondaires, dont 587 où le pronostic vital était engagé, et 148 décès. En France, l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi a demandé un moratoire sur le Gardasil. 500 médecins ont signé une pétition dénonçant son inefficacité [9]

Malgré tout, le Gardasil continue d’être administré. Les autorités envisagent même de le recommander auprès des jeunes garçons, afin de diminuer davantage les risques de propagation du papillomavirus humain [10] Pour les labos, les sommes en jeu sont faramineuses. Depuis sa mise sur le marché et jusqu’en 2014, plus de 130 millions de doses auraient été écoulées à travers le monde, dont plus de cinq millions en France. Rapportant plusieurs dizaines de milliards d’euros. D’après Les entreprises du médicaments (le Leem, qui regroupe 270 entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique), les vaccins représentaient 20 milliards d’euros de chiffres d’affaires, en 2012... et atteindraient 42 milliards en 2016 ! Principale productrice de vaccins dans le monde, l’Europe exporte 84% de ses vaccins. 271 nouveaux vaccins seraient en développement [11].

Des alternatives à l’aluminium ?

Bien que l’aluminium soit de plus en plus décrié, peu de laboratoires tentent de développer des vaccins à base d’autres adjuvants. Des alternatives sont pourtant possibles. A partir de 1974, le phosphate de calcium, un produit présent naturellement dans le corps humain a été utilisé comme adjuvant dans le vaccin contre la Diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), par l’institut Pasteur, suite aux premières alertes sur la nocivité de l’aluminium. En 1984, lors du rachat de l’institut Pasteur par l’institut Mérieux, ces vaccins au phosphate de calcium ont progressivement été supprimés afin de simplifier les modes de production. Cependant, jusqu’en 2008, un vaccin DTP sans aucun adjuvant était commercialisé. Mais Sanofi-Pasteur a décidé de le retirer du marché. Officiellement « suite à la survenue d’effets secondaires à une fréquence plus élevée [trois fois plus] comparativement à l’historique de ce vaccin », au cours de l’année 2008, après 47 années d’utilisation sans problèmes majeurs.

Ces effets secondaires, l’association E3M les a étudiés avec minutie. Pour elle, cette hausse des effets indésirables n’est autre qu’une manipulation statistique. En gros, des effets indésirables de 2007 auraient volontairement été transférés en 2008. De quoi justifier l’arrêt de la commercialisation et de la fabrication de ce vaccin. « L’objectif est d’éliminer tous les petits vaccins qui ne sont pas rentables », soutient E3M. Ce serait un choix industriel pour rationaliser les processus de fabrication... et accroître la rentabilité. « Dans une industrie, c’est toujours plus compliqué d’avoir différents produits qu’il faut mélanger, pas mélanger, éviter de mélanger, etc. C’est plus simple d’avoir une ligne unique », expliquait Marc Girard, directeur scientifique de Pasteur Vaccins, dans un documentaire diffusé sur France 5 [12].

Un arbitrage industriel au détriment de la population, qui ne peut plus choisir entre un vaccin contenant de l’aluminium et un autre qui n’en contient pas. Certaines personnes atteintes de myofasciite à macrophages ont décidé de porter plainte, avec l’association E3M, contre Sanofi-Pasteur. « Le retrait ou le remplacement des adjuvants à base d’aluminium nécessiteraient de longues et complexes études en termes de formulation, d’études précliniques et cliniques, indique Sanofi, par l’intermédiaire de son service de communication. Le profil de tolérance devrait être au moins égal à celui des adjuvants aluminiques. Le développement d’une alternative représente donc un vrai challenge et prendrait très certainement un minimum de 10 à 20 ans compte tenu de la complexité et du nombre de vaccins concernés. » De toute façon, juge le laboratoire, « les éléments disponibles (problématique franco-française et absence de lien entre aluminium et syndrome clinique décrit) ne justifient pas l’engagement de tels programmes de développement. ». Toute alternative est enterrée.

« Le ministère de la Santé m’incite à ne pas en parler »

Si les vaccins provoquent de nombreuses inquiétudes, c’est aussi parce que le corps médical semble parfois réticent à reconnaître l’existence d’effets secondaires. « C’est plus simple de ne pas en parler, ça évite des discours, des explications, ça fait gagner du temps de dire qu’il n’y a pas de problèmes, souligne le pédiatre Dominique le Houézec. Et puis ce sont les recommandations officielles : en tant que médecin, le ministère de la Santé m’incite à le faire. Si je ne le fais pas, je ne suis pas dans les clous. »

Les médecins sont aussi des cibles privilégiées des laboratoires. Et cela, dès leurs études : « Les enseignements post-universitaires sont souvent financés par l’industrie. Les visiteurs médicaux des laboratoires vont dans les services, ils paient à boire, vous présentent le produit, les internes sont là, les futurs médecins sont là : ils se disent que le produit présenté est plutôt pas mal... ! » Puis l’influence se poursuit dans les journaux médicaux que les médecins reçoivent à leur cabinet. « Les laboratoires ont des publicités dans tous les journaux médicaux (sauf Prescrire et Pratiques). » D’un tas de documents, Dominique le Houézec sort un numéro de la revue « Médecine et enfance ». Les trois premières publicités mettent en avant des vaccins combinés. « Le cerveau imprime : c’est subliminal », estime le pédiatre.

Des enfants vaccinés à l’insu des parents ?

Pourtant, de plus en plus de médecins semblent promouvoir une vaccination plus raisonnée. Ils regrettent le regroupement des vaccins dans une même injection, qui oblige souvent les parents à faire vacciner leur enfant contre l’hépatite B, à leur insu. « Beaucoup de parents ne savent même pas que leur enfant est vacciné contre cette maladie. Déontologiquement, ce n’est pas acceptable. Les médecins leur disent : « la prochaine fois, rapportez ce vaccin, et circulez ! », raconte Dominique le Houézec.

Ce dernier préfère expliquer aux parents qu’il n’est pas favorable à l’injection systématique de ce vaccin contre l’hépatite B chez les enfants. « On ne sait même pas si dans 20 ou 30 ans, quand le vaccin pourrait les concerner [l’hépatite B se transmet par voies sanguine et sexuelle], il serait encore efficace. En France, il n’y a pas de risque de contamination pour l’enfant, sauf si la mère est porteuse chronique du virus. Dans ce cas, il faut vacciner l’enfant à la naissance, car il y a un risque lors de l’accouchement, d’une contamination par le sang. »

Des précautions individuelles

En attendant que les autorités sanitaires et les laboratoires évoluent sur la question, les individus peuvent prendre des précautions. « Surtout, il ne faut pas être dans un état inflammatoire avant un vaccin, note Didier Lambert. Il ne faut pas non plus pratiquer une activité physique après la vaccination. » Boire de l’eau minérale chargée en silice aiderait également le corps à évacuer l’aluminium contenu dans l’adjuvant. Des conseils qui permettraient de réduire les risques...

Marie-Océane Bourguignon a aujourd’hui 20 ans. Elle est en classe de terminale et tente de reprendre un rythme normal. Reconnue handicapée à 79%, elle est toujours sujette à des insomnies, des vertiges ou de fortes fatigues, qui l’obligent parfois à suivre les cours à distance. « Dès qu’elle n’est pas bien, on a peur qu’elle fasse une attaque, indique son père. Mais l’encéphalomyélite s’est progressivement estompée. » La famille Bourguignon a refusé l’argent de l’Oniam, l’organisme chargé de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux. « On allait recevoir 10 000 ou 20 000 euros, et être obligés de se taire, explique son père. Les gens devaient savoir. » Combien d’alertes devront être lancées pour que les autorités s’emparent réellement des problèmes posés par certains vaccins ? Et que des études indépendantes soient diligentées pour faire la part entre preuves scientifiques et sentiment d’inquiétude plus ou moins étayé ?

Simon Gouin

Photos (dans l’ordre de parution) :
CC Sanofi Pasteur : fabrication d’un vaccin contre la grippe aux États-Unis
CC Daniel Paquet

Notes
[1] Source : Des victimes de vaccins à l’aluminium demandent réparation, juin 2015, Sciences et avenir
[2] « Perceptions de la Sécurité et de l’Efficacité des Vaccins dans la population en France : le rôle des sources d’information et du statut social  »
[3] Source : ici et là.
[4] Source
[5] Depuis décembre 2011, cette agence est devenue l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
[6] « Gardasil, des conflits d’intérêts flagrants »
[7] Dans une interview publiée dans le journal Principes de santé.
[8] Source : Cancer du col de l’utérus : pourquoi le vaccin Gardasil fait peur
[9] Source : Sciences et avenir.
[10] Source :
Vaccin anti-HPV aux garçons : encore des obstacles.
[11] Source : Quel est le poids de l’industrie pharmaceutique ?
[12] « Aluminium, notre poison quotidien » (France 5 – 24/01/2012).
Source : Bastamag


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...